"À la découverte du patrimoine Sawa : entretien avec M. Mbunja’Epee A Same"
- Isaac Manga Mpondo
- 11 mars
- 4 min de lecture

Introduction :
La culture Sawa est riche en traditions et en savoirs ancestraux, pourtant elle reste méconnue du grand public. Dans son ouvrage, M. Mbunja’Epee A Same s’attache à préserver et à transmettre un pan essentiel de cet héritage : l’art sculptural des pirogues et des sièges initiatiques.
À travers cette interview, il nous partage son engagement pour la mémoire collective, les défis rencontrés lors de l’écriture de son livre et son regard sur l’avenir de la culture Sawa face à la modernisation. Un témoignage passionnant qui nous invite à mieux comprendre et à valoriser ce patrimoine unique.

1. M. Mbunja’Epee A Same, pouvez-vous nous raconter ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Ce projet est avant tout un acte de transmission et de mémoire. En tant que Sawa, très tôt j’ai appris à identifier et à connaître les pirogues communautaires, ornées de décorations sculpturales originales qui dévoilaient l’identité, la sagesse et l’histoire de ces populations que l’on appelle affectueusement les « peuples de l’eau ».
Ces sculptures particulières, qui traduisaient le génie du créateur Sawa et qui ont toujours décoré les embarcations ainsi que la plupart des objets usuels de chez nous, sont aujourd’hui pratiquement disparues.
N’étant pas de ceux qui pensent que modernisation est synonyme d’aliénation, j’ai trouvé utile de partager modestement mon expérience avec notre époque.
2. Mbunja'Epee,dans votre livre, vous explorez l’art des éperons de pirogues et des sièges initiatiques. Pourquoi ces éléments en particulier ?
La pirogue est un élément emblématique, le cœur battant de notre communauté. Elle a toujours été un objet de communication sociale, servant principalement à la pêche, au transport de marchandises et de personnes, ainsi qu’au loisir.
Dans leur volonté de différencier les formes de pirogues, les artisans ont développé une grande diversité de modèles au fil du temps et selon les besoins. Celles qui avaient vocation à servir la communauté tout entière étaient particulièrement bien décorées à l’aide d’un Tange, un éperon de proue.
Les sièges initiatiques, quant à eux, symbolisaient l’appartenance sociale de leur propriétaire. La plupart étaient destinés aux membres de confréries et aux dirigeants du groupe.
Ces deux éléments témoignent de la richesse de notre culture et de l’attachement du propriétaire à sa communauté.

3. Mbunja’Epee, on parle souvent de la culture Sawa, mais beaucoup de personnes en ignorent les subtilités. Quelle est, selon vous, la plus grande méprise à son sujet ?
La plus grande méprise concernant la culture Sawa est de la réduire au folklore, alors qu’elle repose sur un système structuré et bien organisé.
Nos ancêtres ont excellé dans pratiquement tous les domaines, des plus complexes aux plus simples. Ils ont développé un savoir-faire unique, que ce soit en spiritualité, avec des codes particuliers, ou dans la maîtrise des équilibres naturels.
Ce patrimoine mérite d’être préservé et valorisé.
4. Mbunja’Epee,votre livre s’adresse-t-il uniquement aux Sawa, ou bien son message est-il plus universel ?
Il serait prétentieux de penser que la connaissance appartient à un groupe en particulier. Ce document est une invitation à s’approprier notre héritage et à en être fiers.
Mon propos s’adresse à tous les amoureux du savoir. Ce livre peut être un véritable pont entre les générations et les cultures.

5. Mbunja’Epee, quels défis avez-vous rencontrés en réalisant cet ouvrage ?
Ce travail n’a pas été un long fleuve tranquille. J’ai rencontré plusieurs difficultés, notamment pour accéder aux bonnes sources, qu’elles soient physiques ou documentaires.
J’aurais aussi souhaité pouvoir mieux illustrer cet ouvrage. De plus, la diffusion auprès de la jeunesse représente un enjeu majeur. À ce titre, nous avons bénéficié du grand soutien de Monsieur ENENGUE’A BODJEDI des éditions NIP (Ndowe International Press), illustrant ainsi notre vieille solidarité africaine.
6. Mbunja’Epee, comment les nouvelles générations peuvent-elles s’approprier ce patrimoine dans un monde en perpétuelle modernisation ?
Le livre est disponible et la modernisation ne devrait pas être synonyme d’oubli. Aujourd’hui, le monde est plus connecté que jamais. Il existe de nombreux moyens à exploiter pour faire vivre notre culture : internet, la radio, la télévision…
Il est essentiel de tirer parti de ces outils pour transmettre notre héritage aux nouvelles générations.
7. Mbunja’Epee, un dernier message pour les lecteurs, en particulier le peuple Sawa ?
Je souhaite dire à notre jeunesse que notre culture est une clé vers notre avenir.
Ma proposition, à travers ce livre, est une invitation à redécouvrir nos racines et à les valoriser. Utilisons ces nouveaux moyens de communication avec fierté !

Conclusion :
À travers cet échange, M. Mbunja’Epee A Same nous rappelle l'importance de la transmission culturelle et de la valorisation du patrimoine Sawa. Son ouvrage n’est pas seulement un témoignage du passé, mais aussi un appel à la jeunesse et aux passionnés de culture à s’approprier cet héritage avec fierté.
Dans un monde en perpétuelle évolution, il nous invite à concilier modernité et tradition, en utilisant les outils contemporains pour préserver et faire rayonner la richesse de notre identité. Plus qu’un livre, c’est une véritable passerelle entre les générations et un message universel sur la force de la mémoire collective.
As Sa Co
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